Conçue il y a trente ans par son truculent fondateur comme une association regroupant de manière amicale et plutôt festive une centaine de villages figurant dans un livre édité par Sélection du Rider’s Digest, l’association des Plus Beaux Villages de France a grandement évolué au fil des ans en imposant une vision du patrimoine et de sa défense empreinte d’une rigueur salvatrice.
Un outil de référence et de défense
Une référence car il est extrêmement difficile d’y entrer : il est donc facile pour un maire d’en souligner la performance auprès de ses administrés et donc de prêcher le respect et la défense d’un patrimoine, peut-être jusque-là négligé, au nom d’un intérêt commun : préserver la poule aux œufs d’or.
L’association est un bouclier parce que les élus en charge du patrimoine et de l’urbanisme peuvent s’abriter derrière elle pour refuser des permis de construire conduisant à des altérations ou des transformations intempestives déstructurant gravement un bâti supposé être farouchement protégé. Un maire peu combatif, qui aurait du mal à faire admettre les exigences de sauvegarde et de mise en valeur de son village ou de certains éléments de celui-ci, trouvera, dans la menace que constitue l’exclusion d’une association fondée sur la qualité patrimoniale, l’argument lui permettant de ne pas s’exposer directement, avec les conséquences pénibles qui découlent de conflits exacerbés par le caractère promiscuitaire de la vie villageoise.
Référence et bouclier, l’association est également un lieu de confrontation des expériences et des idées. Les commissions, constituées de gens passionnés, font un travail remarquable. En trente ans, les villages ont changé. La plupart n’ont plus de commerces de proximité et les rares bêtes qui dormaient dans quelques granges ou écuries des cœurs historiques ont depuis longtemps quitté les lieux, remplacés par des commerçants attirés par la manne touristique engendrée par la beauté du patrimoine. Cette situation nouvelle, “houellebecquienne”, impose de repenser complètement le devenir de la majorité de nos “beaux” villages. Leur avenir et leur pérennité tiennent probablement dans notre capacité à les garder magiques et à renforcer leur caractère exceptionnel. Ils demeureront toujours, quoi qu’il advienne, indélocalisables.
Nous sommes impressionnés par le nombre de villages faisant acte de candidature chaque année. Cet engouement est la meilleure preuve de la fascination exercée par notre association et démontre le bien-fondé de nos critères d’exigence. Si quelques villages, toujours les mêmes fort heureusement, font parfois l’objet de critiques de la part de visiteurs exigeants, l’immense majorité comble la curiosité de tous ceux qui les découvrent et les trouvent si semblables et si différents.
Jean Claude FERT
Maire d’Yvoire